TELE STAR : Dans votre album, vous vous désignez à plusieurs reprises comme un "survivant". C'est une bonne définition de Johnny ?
JOHNNY HALLYDAY : Oui. Comme de Mick Jagger, d'ailleurs. Vu notre âge et la vie qu'on a menée, c'est un miracle qu'on soit encore là. Moi, surtout : courses de voitures, courses de moto... tout ce qu'il y avait de dangereux à faire, je l'ai fait.
TELE STAR : Un peu de drogue aussi ?
JOHNNY HALLYDAY : Oui, un peu. Mais moins que les Stones. C'est sans doute pour ça que j'ai meilleure mine ! (Il rigole.)
TELE STAR : Et moralement, quel choc aurait pu vous abattre ?
JOHNNY HALLYDAY : Aucun. Je suis costaud de ce côté-là. Je ne m'avoue jamais vaincu. A chaque fois que j'ai touché le fond, j'ai trouvé l'énergie pour remonter. Question de dignité.
TELE STAR : En tout cas, ce disque est illuminé par l'idée du bonheur. Pas si fréquent chez Johnny...
JOHNNY HALLYDAY : Ma petite Jade est vraiment un grand bonheur. Elle est l'étoile de ma vie. Ma bonne étoile. Vous ne pouvez pas savoir la tendresse que j'ai pour elle.
TELE STAR : Vous en avez presque oublié vos soucis...
JOHNNY HALLYDAY : J'ai une femme exceptionnelle, une enfant qui me ravit, l'amour de David et de Laura... Alors mes emmerdes - cette fausse histoire de viol invraisemblable, mes désaccords avec ma maison de disques - ça passe au second plan. Il n'y a pas d'ombre dans ma vie.
TELE STAR : Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre avec Jade ?
JOHNNY HALLYDAY : C'était à l'orphelinat de Hanoi, elle avait 3 mois. Pendant plusieurs minutes, elle a planté ses yeux dans les miens, et j'ai imaginé tout ce qui lui passait par la tête, son inquiétude sur son sort, ses réactions devant nos visages... Ma femme l'a prise dans ses bras, elle s'est endormie sur son épaule. Et puis - moment terrible -, il a fallu se quitter. On est restés dix jours au Viêt Nam à attendre l'agrément local. Allaient-ils nous laisser repartir avec elle ? Une incertitude horrible.
TELE STAR : Quand on devient parent, on repense souvent à sa propre enfance. Et vous ?
JOHNNY HALLYDAY : (Il baisse la tête.) J'ai eu une enfance tellement malheureuse que je ne m'en souviens pas. Ou très peu. J'ai sans doute chassé des choses de ma tête.
TELE STAR : Votre vie de tous les jours a été chamboulée ?
JOHNNY HALLYDAY : C'est dramatique. Enfin, ce n'est pas le bon terme... Je m'inquiète tout le temps pour elle. En ce moment, par exemple, elle est enrhumée, elle ne dort pas la nuit parce qu'elle tousse et qu'elle pleure. Je n'arrête pas d'appeler la maison pour prendre de ses nouvelles. J'ai peur de tout ce qui pourrait lui arriver.
TELE STAR : Papa traditionnel ou papa poule ?
JOHNNY HALLYDAY : Oh, comme tout le monde... Je la prends sur mes genoux, je lui chante une chanson, je l'habille si Laeticia n'est pas là...
TELE STAR : Et les couches, les biberons ?
JOHNNY HALLYDAY : Je l'ai fait. Une première puisque je n'en avais pas eu l'occasion avec les deux aînés. Voir grandir un enfant chez moi, c'était un rêve.
TELE STAR : Bientôt une deuxième adoption, dit-on ?
JOHNNY HALLYDAY : Oui, j'aimerais bien que Jade ait un petit frère. Qu'elle ne reste pas enfant unique comme moi. Deux petits lascars à qui je tiendrais la main pendant les promenades, ce serait sympa.
TELE STAR : Pourquoi pas un troisième, un quatrième, une tribu ?
JOHNNY HALLYDAY : Ah non ! Je suis trop vieux pour ça. Et puis un enfant, ça a besoin de tendresse, d'attention. Tout ce qui m'a manqué. Si les enfants sont trop nombreux, on s'en occupe forcément moins. Sans compter que je suis un saltimbanque qui pars des mois sur les routes...
TELE STAR : Que pourriez-vous sacrifier à votre famille ? Pas votre métier, quand même ?
JOHNNY HALLYDAY : S'il fallait choisir, le choix est fait. Même si j'adore mon métier, ma famille passe avant.
TELE STAR : Et votre passion pour les voyages ?
JOHNNY HALLYDAY : Mais on voyage à trois. Jade adore l'avion, le bateau, la voiture... Et quand elle aura 3 ou 4 ans, je lui ferai faire sa première balade à moto. Dans le jardin, je précise... Il n'y a qu'une chose qui m'inquiète : quand on est sur notre bateau, un 32 mètres, elle trouve beaucoup plus beaux ceux de 50 mètres. Ma fille a des goûts de luxe et je n'ai pas les moyens.
TELE STAR : Avec votre tempérament de cigale, elle a de qui tenir, non ?
JOHNNY HALLYDAY : A part pour vivre bien, l'argent n'a pas d'importance.
TELE STAR : C'est vrai que vous avez une toile de Francis Bacon, et que vous ne savez pas où vous l'avez rangée ?
JOHNNY HALLYDAY : (Amusé.) Vrai. J'ai dû la perdre dans un déménagement. Ou bien on me l'a fauchée. J'ai déménagé 17 fois dans ma vie, alors...
TELE STAR : Avez-vous le temps de réunir tout le clan Smet, à Marne-la-Coquette ?
JOHNNY HALLYDAY : Oui. Même si c'est plus difficile d'avoir David, qui vit en Suisse. Laura en revanche est souvent là. Un peu intimidée d'avoir une soeur si petite ! Je suis content de voir Laeticia et Laura si copines. Ce n'était pas gagné d'avance.
TELE STAR : Ce nouveau profil de père tranquille, est-ce très rock'n'roll ?
JOHNNY HALLYDAY : Mais le rock, ça ne veut pas dire qu'il faut se détruire ! Je suis un homme normal.
TELE STAR : Est-ce bon pour votre image de rebelle ?
JOHNNY HALLYDAY : (Un éclair dans le regard.) Je m'en fous. Je suis comme je suis. Je vis comme je vis.
TELE STAR : Vos fans ont frémi en vous voyant mourir dans Commissaire Moulin. Difficile ?
JOHNNY HALLYDAY : J'adore ça, mourir dans les films. Et encore, on voulait que ce soit plus hard. Une mort avec du sang qui gicle sur les murs. (Il rit.) Seulement, comme on tournait dans une vraie bijouterie chic (Mauboussin, ndlr), qui ouvrait ses portes le lendemain matin, on n'a pas eu le droit de salir...
TELE STAR : Dans la vraie vie, avez-vous déjà songé à votre épitaphe ?
JOHNNY HALLYDAY : (Geste large.) Ce sera très sobre : "Jean-Philippe Smet, plus connu sous le nom de Johnny Hallyday." Et surtout, pitié, pas de statue comme pour Claude François. J'aimerais bien être enterré face à la mer, à Ramatuelle, une ville où j'ai vécu. Gérard Philipe ne serait pas loin. On pourrait jouer aux cartes...
TELE STAR : Alors, fini les nuits blanches, les virées pour fuir la peur de la mort et de la solitude ?
JOHNNY HALLYDAY : Fini. Maintenant, je me lève tôt pour voir ma fille se réveiller. Et puis les boîtes m'ennuient : je déteste la techno, on ne peut pas se parler, et je ne drague plus parce que je suis marié... et que je n'en ai pas envie. Me bourrer la gueule ? Non, merci : je fais du sport tous les jours. Tout ça, c'est plus pour moi.
TELE STAR : Johnny est devenu bien sage...
JOHNNY HALLYDAY : Non, je veux juste être encore là dans vingt ans. Je ne veux pas que ma fille ait un papa mort, gâteux ou impotent. A 80 ans, je veux encore être au top avec elle.
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